Top Gun 2 : Maverick - critique d’un Tom Cruise qui prend de vitesse (2024)

Films

Par Antoine Desrues

22 décembre 2022

MAJ : 30 mars 2023

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Longtemps fantasmé malgré son improbabilité, et maintes fois repoussé à cause de la Covid-19,Top Gun : Maverickest enfin sorti pour porter aux nues unTom Cruise plus que jamais canonisé en héros d’action ultime. Sous prétexte de ses scènes d’aviation tournées “pour de vrai”, cette suite du film de Tony Scott est surtout l’occasion pour l’acteur de faire preuve d’introspection, et d’assurer sa marque face à la caméra de Joseph Kosinski.

Retour sur toute la carrière passionnante de Tom Cruise.

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Des scientologues dans l’avion

Le garage, l’avion, le blouson, la moto, le thème musical : difficile de ne pas jubiler devant le musée des années 80 qui s’offre à nous dans les premières minutes de Top Gun : Maverick. Qu’on aime ou non le film matriciel de Tony Scott, c’est toute une époque de cinéma que cristallise cette suite tardive, à tel point qu’il semble ardu d’émettre un regard critique sur cet ensemble de reliques qu’on nous ressort comme un énième doudou nostalgique.

À l’instar des derniers Star Wars, Jurassic World et autres Stranger Things, une telle démarche était néanmoins vouée à précipiter ce Top Gun 2 dans la médiocrité complaisante du “c’était mieux avant”. Mais il ne faut jamais sous-estimer la diva Tom Cruise et son ambition, qui amènent cet étrange objet de blockbuster dans une direction beaucoup plus réflexive et fascinante.

D’une part, l’acteur et producteur star évite le piège du simple coup de peinture censé rafraîchir une façade intacte. Il faudrait être de sacrée mauvaise foi pour ne pas voir le coup de vieux presque touchant pris par le Top Gun original. Hormis ces effets de style clippesques dont l’impact sur leur époque n’a d’égal que leur ringardise, le long-métrage est toujours émaillé d’une certaine idée de la masculinité toxique, et plus généralement d’une vision très macho d’une Amérique triomphante, souvent portée en étendard par Don Simpson et Jerry Bruckheimer.

Un peu plus près des étoiles

Certes, de nombreuses lectures incitent désormais à voir dans le film un piratage amusé de Tony Scott, qui barde ce scénario faisandé d’une puissante imagerie hom*oérotique. Si sa suite se montre beaucoup plus asexuée, Tom Cruise se réapproprie volontiers son ambiguïté insouciante pour mieux la remettre en perspective. Face à la stagnation, voire régression, de franchises qui obligent Han Solo ou les Ghostbusters à avoir les mêmes costumes et les mêmes motivations qu’il y a quarante ans, Top Gun : Maverick fait justement de son héros un grand gamin qui refuse de grandir et de gravir les échelons de l’armée, pour mieux l’obliger à évoluer.

Resté au rang de Capitaine pour s’assurer d’être envoyé sur le terrain, Maverick est présenté comme un dinosaure arriéré, surtout à l’heure où les drones remplacent les pilotes. Son goût du risque et de la vitesse, à la fois caractéristiques du personnage et de son interprète, se télescopent dans une mise en abyme qui afficherait leur obsolescence supposée. Pourquoi s’obliger à piloter des avions de chasse quand des fonds verts peuvent suffire ? Eh bien parce qu’on peut !

Automographie

De là résulte toute la beauté de ce «Tom Cruise Movie» ultime, où le comédien use de son sourire Colgate et de son regard de braise (qui sert d’ailleurs de running-gag) pour mieux se mettre à nu. Maverick regrette les erreurs de son passé, qu’il s’agisse de sa culpabilité face à la mort de son ami Goose ou de ses relations souvent problématiques avec les femmes (explicitées par le très beau personnage de Jennifer Connelly).

Pas étonnant que la star se soit une nouvelle fois octroyée les services de Christopher McQuarrie (son script doctor attitré et réalisateur de Mission : Impossible 5 et 6) pour mettre en exergue ces fantômes d’une autre époque. Avec une jolie lucidité, le scénariste ne cesse de faire de Cruise une figure mélancolique et frustrée, dont les prouesses physiques et cinématographiques ne peuvent pas pour autant remonter le temps.

Top Gun : Maverick prend ainsi la forme étonnamment touchante d’un récit de rédemption, où le héros a l’occasion de réécrire à sa manière l’histoire en prenant sous son aile le fils de Goose, incarné par unMiles Teller qui arbore la même moustache. Ce miroir déformant, couplé au conflit de générations que le film façonne avec sa bande de jeunes pilotes, laisse soudainement songeur : si Tom Cruise est loué depuis des années pour être la dernière action star exigeante, fuyant les modes hollywoodiennes pour construire une légende qui n’appartient qu’à lui, peut-il réellement passer le flambeau, et jouer les professeurs ?

Not quite my tempo

Le long-métrage trouve dans cette interrogation sa plus belle qualité, mais aussi sa limite principale, car à force de chasser le naturel, ce dernier revient en dépassant le mur du son. Quand bien même sa dimension de film d’entraînement est bien plus stimulante que dans le premier opus, Top Gun 2 souffre d’un rythme en dents de scie, qui ne peut pas fuir sa conclusion logique : Maverick reste un homme d’action, incapable de rester passif dans un dernier acte dont il doit prendre le contrôle.

L’idée est lourde de sens, et appuie plus que jamais la générosité d’un artisan de cinéma prêt à mourir pour son art. Dans la continuité de ses cascades folles sur les derniers Mission : Impossible, Cruise redéfinit avec Top Gun : Maverick la notion de grand spectacle, portée ici par un vrai point de vue de mise en scène à l’intérieur de co*ckpits d’avions lancés à pleine vitesse, et non sur l’expansion toujours plus grande de CGI sans âme.

Take my breath awaaaaaaaaay

Vol du cygne

Voilà ce qui fait de la star l’une des dernières grandes icônes du septième art : sa compréhension intrinsèque de la force d’évocation d’un plan. Pas besoin de longs mouvements de caméras numériques improbables, mais au contraire d’un objectif dont on ressent la physicalité dans l’espace diégétique. Cruise a ici l’idée de génie de confier la mise en scène du film à Joseph Kosinski, qui a prouvé avec Oblivion (mais surtout avec Tron : L’Héritage) son talent pour la mise en valeur de décors au sublime désarmant.

De la symétrie de la Grille de Tron aux forêts de Line of Fire, la formation d’architecte et d’infographiste du cinéaste l’a aidé à strier sa mise en scène de lignes harmonieuses, en particulier avec un horizon perçu comme la frontière de tous les possibles. En liant de la sorte une géométrie naturelle à sa transposition dans les techniques humaines, Kosinski renvoie l’homme à son environnement, et à sa volonté de transcender son exploration. Or, c’est exactement ce que cherche Tom Cruise lorsqu’il se filme en train de zigzaguer dans un canyon, et que la ligne d’horizon se voit retournée dans tous les sens au fil des loopings.

Les jeunes en marche avec Cruise

Par la simplicité de raccords dans l’axe sur le visage de ses comédiens, ou par des téléobjectifs qui cherchent tant que faire se peut à suivre ses F-18, Top Gun : Maverick jouit de l’épure de son langage filmique, qui ne fait que mieux mettre en valeur la présence de ses acteurs en véritables situations de vol. Joseph Kosinski nous prend aux tripes par la simple beauté de cette réalité, comme lorsqu’il capte le souffle blanc qui entoure la carlingue d’avions aux abords d’une rivière.

Paradoxalement, Tom Cruise se déifie, voire s’immatérialise, comme le héros de cinéma ultime parce qu’il ancre son corps dans le réel, dans un combat permanent entre ses limites d’être humain et les lois de la physique. On le voit s’accrocher, résister, et interagir avec une gravité dont il cherche pourtant à s’extraire, tel un Icare qui a pour le moment évité de se brûler les ailes.

En attendant les prochains opus de Mission : Impossible, ce Top Gun 2 a quelque chose de définitif dans son retour à un spectaculaire sobre et élégant, qui prouve que sa star mégalo nous ramène moins à la nostalgie du premier film qu’à celle d’une exigence de fabrication des blockbusters de plus en plus rare. On se laisse embarquer dans ce tour de manège épique, au point de s’amuser de ses détours kitsch en hommage aux eighties, surtout lorsque la chanson de Lady Gaga explose sur un générique de fin à l’ancienne. Peut-être que c’était mieux avant, finalement.

Rédacteurs :

Antoine Desrues

Résumé

Au-delà de surpasser son modèle avec ses séquences de vol diablement spectaculaires, Top Gun : Maverick permet à Tom Cruise d'interroger sa propre légende pour mieux affirmer qu'il est le meilleur. Un blockbuster d'artisans honnête, généreux, et bourré de classe.

Autres avis

  • Geoffrey Crété

    Plus que jamais, Top Gun : Maverick est le parfait Tom Cruise Movie : une machine de guerre implacable et glaciale, où l'acteur trône comme un demi-dieu. Passionnant, à condition de regarder Tom Cruise.

Tout savoir sur Top Gun : Maverick

  • Effets visuels (VFX, CGI) : le grand mensonge d'Hollywood
  • Top Gun : Maverick - le réalisateur révèle qu'il voulait un autre super acteur dans son film
  • Top Gun 3 : Glen Powell (Hangman) parle de la suite de l'énorme succès avec Tom Cruise
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Top Gun 2 : Maverick - critique d’un Tom Cruise qui prend de vitesse (23)

Arielle deuxballes

il y a 2 années

Trop impatient de voir ça, mission impossible 6 m’avait déjà scotché au siège ! La je n’attends pas moins, même si je ne vois pas où le scénario veux nous emmèner.

Pour le côté asexsué qui abondonne l’érotisme autoritaire des forces armées.. c’est un peu dommage si c’est vraiment la cas, car cela faisait partie intégrante du premier film… Pas de scène de beach volley je présume ? Ni même de douche entre collègues ?

En tout cas je suis sûr que le film va être génial et j’espère vraiment qu’il sera un succès ^^

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Top Gun 2 : Maverick - critique d’un Tom Cruise qui prend de vitesse (24)

DL

il y a 2 années

Je me suis juste contenté du trailer sorti il y a quasiment 3 ans (à quelques jours près). Extrêmement hâte de le voir : l’association Kosinski / McQuarrie / Cruise avec le retour de la musique de Kenny Loggins et une soundtrack made by Faltermeyer, Zimmer et Lorne Balfe ça me hype vraiment … et au vu de cette présente critique, ça m’a l’air d’être un pari réussi ! ^^

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Top Gun 2 : Maverick - critique d’un Tom Cruise qui prend de vitesse (25)

Kyle Reese

il y a 2 années

RAh une critique qui fait plaisir. Je n’ai donc pas eu d’hallucination devant la superbe BA qui m’avait laissé béa devant les images réelles de voltige aériennes. Seul un Tom Cruise peut se permettre d’exiger encore ce genre de tournage. Qu’un Cameron nous fasse découvrir un monde inédit en full CGI c’est génial tout autant que ce film d’action qui retourne au source du réel pour des prises de vues ébouriffantes.

«Peut-être que c’était mieux avant, finalement.»
Dans un certain sens oui. Mais avant on ne savait pas qu’elle chance on avait de ne pas être autant envahi de CGI pas forcément du meilleur goût et mis à toutes les sauces.
Et pourtant qu’est ce que les CGI me faisaient rêver à une certaines époque.
Mais un vrai cascadeur ou acteur qui fait des chorégraphies ou de vrais sauts sera toujours plus kiffant à regarder que des doublures numériques. dans la mesure ou c’est possible à faire.
A noter que la plupart des combats aériens de Top Gun avaient été filmé avec des avions radiocommandé de grande échelle.

Et pour finir, CGI ou pas, un vrai bon réalisateur avec une vision artistique sera toujours faire de beau film. Preuve en est effectivement avec Kosinski. Son Tron était top sur écran géant, et avec feu Daft Punk en BO. Dommage que Disney voulait plus de succès pour faire une suite.

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Kyle Reese

il y a 2 années

Et merci pour le rappel de Line of fire que je n’ai toujours pas vu, à tord !

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Top Gun 2 : Maverick - critique d’un Tom Cruise qui prend de vitesse (27)

TofVW

il y a 2 années

Top Gun n’a jamais été mon film préféré, bien que j’apprécie le revoir de temps en temps, pourtant cette suite est sans aucun doute le film qui m’a le plus «hypé» depuis… depuis tellement longtemps que je ne m’en souviens plus.

Je ne m’attends pas à un scénario de dingue, mais ce qui m’attire vraiment (au point de vouloir le voir en salle, ce que je ne fais plus depuis 15 ans au moins), ce sont les images RÉELLES.
On entend souvent «C’est un film d’action, on en prend plein les yeux, il faut le voir au cinéma». Sauf que ces films d’action dont on parle, ce ne sont rien d’autre que des dessins animés avec de vrais acteurs incrustés à l’image (et encore…). Aucun intérêt (ça ne veut pas dire que je n’apprécie pas les regarder, mais c’est aussi bien dans mon salon).
Là c’est du Vrai, et ça me fait furieusem*nt (!) penser à Mad Max Fury Road, qui ne me hypait pas vraiment, mais que je suis quand même allé voir au cinéma ; eh bien quelle claque mes amis ! ÇA c’est du Vrai Cinéma d’Action, du genre qu’il faut voir en salle, car les cascades sont réelles ! C’est pour cette même raison que je vais sûrement aller voir Top Gun Maverick sur Grand Écran.

Ajouté à tout ça cette critique très positive, me voilà conquis d’avance.

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